Le premier mai tomba la dernière neige - 05 Kimmo-Joentaa by Jan Costin Wagner

Auteur:Jan Costin Wagner [Wagner Jan Costin]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier allemand
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

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Le soir, aux infos, un présentateur parla des mondes que seul Markus Sedin connaissait, le monde des moutons, le monde des vaisseaux spatiaux, et il se demanda comment cet homme du JT, avec sa raie bien au milieu, son sourire de connaisseur, sa cravate rouge vif et pas la moindre idée, avait eu l’idée de parler de ça.

Allongée à côté de lui sur le canapé, Taina fixait l’écran brillant d’un air las et absent, Ville, à genoux sur le tapis, jouait à la grande guerre avec les petits chevaliers Jedi. Markus entendait les paroles que prononçait le présentateur du journal, il voyait les images mais tout était étouffé, coupé de ses pensées, il percevait les chuchotements de Ville anormalement forts, les ordres par lesquels son fils envoyait les gentils chevaliers en guerre contre le Mal, et le téléviseur devant lequel il était assis appartenait à un autre espace, un univers parallèle, à côté.

Le monde des moutons. Deux personnes mortes sur le banc d’un parc, pas très loin, dans une jolie résidence récente à l’ouest d’Helsinki, au bord de la mer, là où partaient les grands bateaux. Et où ils arrivaient. Les images repassaient en boucle, les rubans de sécurité jaunes, derrière, le parc, la grande surface de neige qui entre-temps avait fondu, le printemps était arrivé, l’herbe commence à pousser, pensa-t-il.

On interrogeait des passants et des riverains qui répondaient comme on l’attendait d’eux aux questions convenues. L’espace de quelques secondes, Markus aperçut l’appartement immaculé de Réka, son appartement, le balcon sur lequel il était encore la veille, la baie vitrée derrière laquelle il avait nettoyé, dans le meilleur des cas fait disparaître les traces, méthodiquement, soigneusement, concentré pour ne rien oublier. Il sentit de nouveau les fraises sur le haut de pyjama de Réka. Il se demanda qui, dans les dons de vêtements, allait prendre et porter ce haut de pyjama. Un jour, bientôt. Quelle que soit la personne, il faudrait qu’elle aime les fraises. Beaucoup même. Le présentateur du journal dit que l’identité des victimes n’était pas encore connue, en l’état actuel des choses, les autorités pensaient qu’elles étaient d’origine étrangère, l’enquête suivait son cours.

– Comme c’est étrange, dit Taina.

C’était la première chose qu’elle disait depuis le début des infos.

Il la regarda, surpris.

– Qu’ils aient été assis sur un banc. Que quelqu’un s’asseye sur ce banc.

– Quoi ? demanda-t-il.

Il ressentit derrière son front comme un vertige, léger et agréable à la fois.

– Comme des amants, dit-elle.

Il la regarda, attendit.

– Avant, nous allions souvent nous promener. Nous nous asseyions sur des bancs.

– Ah bon ? dit-il.

– Oui, bien sûr. Avant.

Dans la guerre que menait Ville, des épées laser s’entrechoquaient, ou des fusées ou des univers ou tout à la fois. Le monde des vaisseaux spatiaux, pensa Markus. À la télévision, un magazine grand public commença, une femme pimpante et enjouée annonçait des reportages sur des catastrophes en tout genre. Il crut un moment que les paroles qu’il entendait étaient le fruit de son imagination.

– Encore un truc triste, marmonna Taina.

Markus

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